Suite à la parution de l'article "Québec a choisi de subventionner le profit", par Ici Québec, Ma place au travail a décidé de réagir afin d'apporter son soutien aux CPE.
Voici le texte rédigé par Marilou Fuller, directrice générale de Ma place au travail.
Le réseau québécois de services de garde éducatifs à l’enfance est considéré par beaucoup comme un modèle de réussite; et il inspire nos voisins, au Canada comme à l’international. Au sein de ce réseau, on trouve à la fois des places en milieux familiaux (71 000), en garderies privées subventionnées (57 000) ou non (65 000), et surtout en centres de la petite enfance (CPE) (106 000). Les CPE constituent le cœur du réseau avec plus du tiers des places disponibles. Leur création en 1997 constitue une action novatrice qui a permis de rendre les services de garde accessibles à tous et de créer un environnement encadré de grande qualité pour nos tout-petits. Mais voilà, 25 ans plus tard, les CPE risquent de perdre leur place de choix au sein du réseau au profit des garderies privées. Comment en est-on arrivé là ?
En 2021, en réponse aux nombreux enjeux de pérennité et de fonctionnement du réseau, le ministère de la Famille lançait son Grand chantier pour les familles. Parmi les actions proposées, le ministère démarre un vaste programme de conversion des quelques 65 000 places offertes en garderies privées non subventionnés. L’objectif ? Les convertir en places en CPE ou en garderie privée subventionnée. Près de deux ans après le lancement du Grand chantier, la réalité est toute différente. La conversion favorise en effet majoritairement les garderies privées au détriment des CPE. Sur les 8 603 places converties, seulement 200 le sont en CPE, à peine 2%. Dérisoire. Le pire ? Ces 200 places ont été converties dans le cadre d’un projet-pilote, comme si les CPE avaient encore quelque chose à prouver et que ces installations devaient être testées. Pourquoi un projet pilote pour des installations qui constituent le cœur du réseau et dont nos décideurs vantent les mérites sur toutes les tribunes nationales et même internationales? Pour des installations qui, selon de nombreuses enquêtes, garantissent une plus grande qualité de services et un meilleur développement pour les enfants? Le précédent ministre de la famille Mathieu Lacombe clamait haut et fort, au lancement du Grand chantier, qu’un maximum d’efforts seraient déployés pour l’amélioration de la qualité des services. Une autre promesse en l’air?
Certes, la conversion en CPE coûte plus cher à court terme pour le gouvernement de par les investissements immobiliers requis. Il est alors possible, avec le même budget, de convertir une plus grande quantité de places en allant vers le privé. On privilégierait donc la quantité à la qualité? Serait-ce une tactique pour augmenter les statistiques et mieux paraître aux yeux des familles désespérées d'avoir une place? Et si on essayait de mieux paraître pour la société de demain? Investir pour les familles et la petite enfance? Un investissement que nombre d’études indiquent comme étant parmi les plus rentables socialement et économiquement pour le Québec. Mais non. Notre gouvernement semble porter très confortablement ses œillères.
La CAQ affirme que le gouvernement précédent a malmené le réseau des services de garde éducatifs à l’enfance. Mais la CAQ, elle, le dénature au profit de valeurs et de pratiques qui vont ultimement à l’encontre de la substance même de la création du réseau et du développement durable de celui-ci.
On se rappelle qu’en 2021, le gouvernement fédéral a investi 6 milliards de dollars pour aider les provinces canadiennes à développer un réseau de garderies abordable et universel. L’argent est là. Le plan est là aussi. Mais la volonté elle, où est-elle?
Comments